Bassel qui cache la forêt Torjman

Last Updated: 21 mai 2025

À l’occasion de la polémique autour de Bassel Torjman — ce Syrien naturalisé tunisien et réputé complice de Dahlan dont l’indiscrétion “amatrice” lors de manifestations contre Kaïs Saïed agace — nous revisitons une décision sans précédent : l’octroi, en 2020, de la nationalité tunisienne à vingt Palestiniens triés sur le volet. Au-delà des alliances stratégiques et des complicités politiques, c’est le cœur même du droit de retour qui vacille : en s’écartant de la règle de non-naturalisation des réfugiés, la Tunisie ne fragilise-t-elle pas l’une des dernières garanties légales permettant aux exilés de revendiquer leur retour en Palestine ?

Une naturalisation ciblée et politiquement orientée
Le décret présidentiel du 6 juillet 2020 a conféré la citoyenneté tunisienne à vingt Palestiniens — la plupart nés en Cisjordanie ou à Gaza, mais aussi dans des camps de Syrie, du Liban et un même en Iran. Plutôt qu’une démarche d’intégration universelle, cette mesure semble avoir servi des intérêts politiques : pro-émirati, proches de réseaux chiites ou affiliés à l’entourage de Mohamed Dahlan, les bénéficiaires ont été choisis sans lien apparent avec leur ancienneté ou leur degré de vulnérabilité.

Un recours discrétionnaire sans cadre législatif

Sans consultation parlementaire ni dialogue avec les associations palestiniennes installées en Tunisie, Kaïs Saïed a usé de ses prérogatives pour lancer cette opération. Aucun texte général n’a été voté pour ouvrir la naturalisation aux réfugiés, ni pour définir un statut préservant la qualité de réfugié après acquisition de la nationalité — condition pourtant indispensable pour maintenir le droit de retour.

Droit de retour vs. citoyenneté acquise

Historiquement, les pays arabes hôtes ont évité la naturalisation des réfugiés palestiniens afin de ne pas enterrer leur revendication d’un retour sur leur terre. En offrant un passeport tunisien à des exilés nés hors de Palestine, la Tunisie crée un précédent : une fois naturalisés, ces individus risquent de perdre l’appui juridique de l’UNRWA et la légitimité politique de réclamer un éventuel retour.

Silence diplomatique et exclusivité de l’OLP

Depuis 2011, les autorités tunisiennes ont systématiquement ignoré les comités locaux de solidarité avec la Palestine, ne recevant que les représentants officiels de l’OLP. Cette naturalisation « à la carte » soulève la question : pourquoi une démarche aussi décisive a-t-elle été conduite sans aucune concertation avec la communauté palestinienne locale ?

Instrumentalisation géopolitique et enjeux confessionnels

La présence de figures controversées comme Bassel Torjman alimente les hypothèses d’un alignement de la Tunisie sur certains acteurs du Golfe et d’influences chiites. Sous couvert de solidarité, ce coup de force pourrait cacher des visées d’influence régionale, allant à l’encontre de l’indépendance historique de la diplomatie tunisienne.

En dérogeant à la règle d’or du soutien au droit de retour, la Tunisie met en péril une garantie fondamentale pour les réfugiés palestiniens et risque de semer la division dans une diaspora déjà écartelée. Plus qu’un simple geste de bienvenue, cette naturalisation sélective interroge la cohérence et les véritables objectifs de la politique tunisienne envers la cause palestinienne.

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