Commerce extérieur de la Tunisie – T1 2025

Last Updated: 4 mai 2025

Analyse fondée sur le rapport officiel de l’Institut National de la Statistique (INS), publié en mars 2025

Le commerce extérieur tunisien continue de se détériorer au premier trimestre 2025, avec un déficit commercial qui atteint des sommets. Pourtant, une recomposition des flux géoéconomiques semble s’amorcer, redessinant les équilibres régionaux au détriment de certains partenaires européens.

Un déficit commercial aggravé : -5 050,5 MD

Selon le rapport de l’Institut National de la Statistique (INS), la Tunisie enregistre un déficit commercial de 5 050,5 millions de dinars (MD) au premier trimestre 2025, contre 3 027,4 MD sur la même période en 2024. Ce creusement provient d’une baisse des exportations de 5,9 % (15 325,1 MD contre 16 287,9 MD) et d’une hausse des importations de 5,5 % (20 375,5 MD contre 19 315,3 MD). Le taux de couverture recule mécaniquement à 75,2 %, contre 84,3 % un an plus tôt.

Cette dégradation du solde commercial reflète une faiblesse persistante de la production exportable tunisienne, en particulier dans les secteurs stratégiques, conjuguée à une dynamique de consommation intérieure qui soutient les importations.

Performances sectorielles : chute des exportations dans les secteurs moteurs

Le rapport de l’INS met en évidence un recul généralisé des exportations par secteur. Les ventes de produits énergétiques chutent de 34 %, en lien avec la baisse des exportations de produits raffinés. Le secteur agroalimentaire enregistre une baisse de 18 %, principalement en raison de la diminution des ventes d’huile d’olive. Le textile recule de 2,6 %, l’industrie mécanique et électrique de 2,4 %, et les exportations de phosphates et dérivés de 8,6 %. Tous les moteurs traditionnels des exportations tunisiennes sont donc orientés à la baisse.

Structure des importations : hausse des intrants productifs mais dépendance persistante

Les importations de biens d’équipement augmentent de 18,3 %, celles de matières premières et demi-produits de 5,1 %, et celles de biens de consommation de 13,9 %, ce qui reflète une demande intérieure soutenue et un potentiel redémarrage de l’investissement. En revanche, la facture énergétique diminue de 9,6 % et les importations alimentaires reculent de 2,1 %, offrant une légère respiration au déficit global.

Répartition géographique : recul européen, percée arabe

Les partenaires européens historiques de la Tunisie enregistrent une baisse sensible des exportations tunisiennes. Vers la France, les exportations chutent de 5,7 %, vers l’Italie de 11,3 %, et vers l’Espagne de 35,3 %. Dans le même temps, les importations tunisiennes en provenance de ces pays ont augmenté, contribuant à l’aggravation du déficit bilatéral.

Cette tendance intervient alors que la Tunisie a signé en 2023 un mémorandum de coopération avec l’Union européenne, axé sur la lutte contre l’immigration clandestine. Cet accord, fortement soutenu par l’Italie et la France, a conduit la Tunisie à renforcer le contrôle de ses côtes, réduire les flux migratoires irréguliers et accepter le retour de ses ressortissants. Pourtant, cette coopération stratégique n’a pas été accompagnée d’un soutien économique visible, les déficits commerciaux avec ces deux pays continuant à se creuser.

Le monde arabe : la Tunisie exporte plus, surtout vers l’Égypte

C’est du côté des voisins arabes que l’on observe une dynamique nouvelle. Les exportations tunisiennes vers l’Égypte explosent de 155,7 %, faisant du Caire le partenaire arabe le plus dynamique du trimestre. Cela pourrait refléter le rapprochement politique entre les deux pays, tous deux « restaurés » après des parenthèses démocratiques. La Libye suit avec +39,6 %, le Maroc avec +38,6 %, et l’Algérie avec seulement +15,3 %.

Tableau : Évolution des exportations tunisiennes vers les principaux partenaires arabes (T1 2025 vs T1 2024)

Pays Variation des exportations tunisiennes
Égypte +155,7 %
Libye +39,6 %
Maroc +38,6 %
Algérie +15,3 %

Malgré son rôle de partenaire stratégique dans la sécurité régionale et ses liens économiques étroits, l’Algérie reste en retrait par rapport aux autres pays arabes en matière de dynamique commerciale. Le lien économique ne semble pas progresser au rythme des déclarations politiques ou diplomatiques. Les exportations tunisiennes y progressent faiblement, et aucun signal fort de relance bilatérale n’est perceptible dans les chiffres de l’INS.

Turquie : des échanges en hausse mais limités

Les importations tunisiennes en provenance de Turquie progressent de 13,7 %, mais restent inférieures à celles en provenance d’Égypte ou de la Chine. Bien que la Turquie soit souvent critiquée dans les débats publics pour sa position commerciale jugée prédatrice, l’INS montre que son poids réel reste contenu. Les échanges tuniso-turcs, bien que croissants, ne dépassent pas ceux avec les partenaires arabes.

Balance par produits : l’énergie reste le premier facteur de déséquilibre

Tableau : Solde commercial par groupe de produits (en MD, T1 2025)

Groupe de produits Solde
Énergie -2 881,7
Matières premières et demi-produits -1 616,2
Biens d’équipement -927,9
Biens de consommation -239,5
Alimentation +614,8

Le déficit est principalement causé par la dépendance énergétique. Cependant, l’excédent alimentaire constitue un signal de souveraineté économique à valoriser.

La Tunisie s’impose aujourd’hui comme un acteur stratégique de la Méditerranée sud. Elle protège les frontières européennes, freine les flux migratoires clandestins et coopère activement avec l’Union européenne sur le plan sécuritaire. Pourtant, cette contribution géopolitique majeure ne se traduit pas encore en bénéfices économiques. L’UE, notamment la France et l’Italie, demeure un partenaire commercial coûteux, tandis que les gains commerciaux se construisent désormais davantage avec le Maghreb, l’Égypte ou la Libye.

La Tunisie reconfigure peu à peu ses priorités économiques, tout en restant en quête d’un nouveau contrat équilibré avec ses partenaires européens.

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