le Proche-Orient…….reconfiguration stratégique
Alors que le Proche-Orient est en pleine reconfiguration stratégique, l’occupation israélienne intensifie ses frappes sur le territoire syrien. Sous couvert de sécurité, elle cherche à empêcher l’émergence d’un axe militaire syro-turc et à bloquer la renaissance d’un État syrien souverain et restructuré. Ces attaques s’inscrivent dans un contexte plus large : celui du déclin de l’influence chiite, du désengagement américain, de la normalisation entre Damas et les Kurdes, et de la montée en puissance d’un croissant sunnite susceptible de bouleverser l’équilibre régional au détriment d’Israël.
Une offensive israélienne contre le redressement militaire de la Syrie
Dans la nuit du 1er au 2 avril, l’aviation de l’occupation israélienne a mené une série de frappes d’une intensité exceptionnelle contre des positions stratégiques en Syrie, notamment à Damas, Homs et Hama. L’aéroport militaire T4, cible récurrente des frappes israéliennes, ainsi que la base de Hama et le centre de recherches de Barzeh à Damas ont été visés, causant plusieurs morts et de lourdes destructions dans les infrastructures militaires syriennes (source : SANA, Jerusalem Post, avril 2025).
Officiellement, ces frappes seraient destinées à empêcher des transferts d’armements ou l’installation de systèmes de défense menaçant la « liberté d’action » israélienne. En réalité, elles visent à saboter le rapprochement stratégique en cours entre Ankara et Damas, incarné par l’accord de défense signé en février 2025 entre le président syrien de transition Ahmed Char’a et le président turc Recep Tayyip Erdoğan. Ce pacte prévoit la formation d’une nouvelle armée syrienne, l’implantation de bases aériennes turques en Syrie centrale, et une coopération accrue en matière de défense aérienne et de sécurisation des frontières.
Ces frappes israéliennes apparaissent ainsi comme une tentative directe de briser la dynamique de reconstruction militaire de l’État syrien, et de prévenir l’émergence d’une architecture sécuritaire autonome à la frontière nord d’Israël.
L’après-Assad : reconfigurations et alliances inédites
Depuis l’effondrement du régime Assad en décembre 2024, la Syrie connaît un basculement historique. Une transition politique inédite s’est mise en place, marquée par un retour de l’État central, mais sous de nouvelles formes. Le fait le plus marquant est sans doute la réconciliation entre le pouvoir syrien et les Forces démocratiques syriennes (FDS), jusqu’ici hostiles à Damas.
Ce rapprochement résulte d’une réorientation idéologique profonde du mouvement kurde, notamment sous l’influence de son penseur historique, Abdullah Öcalan. Ce dernier prône désormais une forme de confédéralisme démocratique intégré à l’État syrien, renonçant à l’idée d’un séparatisme kurde pur. Ce changement de cap a ouvert la voie à une intégration graduelle des FDS dans la nouvelle armée syrienne, en échange d’un statut d’autonomie administrative négociée.
Pour Israël, cette normalisation kurdo-syrienne constitue une perte stratégique majeure : les Kurdes, longtemps instrumentalisés comme contrepoids à la Turquie, deviennent désormais des partenaires d’un État syrien en reconstruction. Tel-Aviv se retrouve ainsi privé d’un levier d’influence essentiel, alors que la Turquie renforce sa position comme puissance stabilisatrice dans le nord de la Syrie.
Israël contre un croissant sunnite en gestation
Ce qui inquiète profondément l’occupation israélienne, au-delà du cas syrien, c’est l’émergence d’un axe sunnite structuré susceptible de remplacer l’ancien croissant chiite. Celui-ci – formé historiquement par Téhéran, Bagdad, Damas et Sanaa – est aujourd’hui fragmenté, affaibli par les crises internes, les soulèvements populaires, les sanctions économiques et les revers militaires.
À l’inverse, un nouveau croissant sunnite semble se dessiner, avec comme noyau dur la Turquie, la Syrie post-Assad, le Qatar, et dans une certaine mesure l’Égypte. Cette convergence, fondée sur des intérêts géopolitiques communs (reconstruction, sécurité, contre-terrorisme, autonomie stratégique), menace le monopole israélien sur la supériorité militaire régionale. Un tel axe pourrait, à terme, remettre en cause la domination aérienne israélienne sur le Levant, surtout si la Turquie venait à déployer des systèmes S-400 dans les futures bases syriennes, hypothèse évoquée par Middle East Eye.
Israël redoute donc l’établissement d’un bloc sunnite capable de redessiner les équilibres de pouvoir au Proche-Orient, hors de l’orbite israélo-américaine. C’est pourquoi les frappes aériennes en Syrie visent non seulement les infrastructures, mais le projet géopolitique qu’elles symbolisent.
Gaza, Deraa, et la logique du double front
En parallèle, l’occupation israélienne mène une campagne d’une extrême violence dans la bande de Gaza. Plus de 50 morts ont été recensés dans la nuit du 2 avril (source : AP News), et des centaines de milliers de civils ont été contraints à l’exil après l’annonce de la création d’une nouvelle « zone de sécurité » à Rafah, dans le sud du territoire (source : Reuters, 3 avril 2025).
Ce front sud complète la stratégie israélienne de pression multiple sur les forces de résistance sunnite, qu’elles soient palestiniennes à Gaza ou nationales syriennes à Deraa. Dans le sud de la Syrie, l’armée israélienne a effectué une incursion terrestre limitée dans la région de سد الجبيلية près de Deraa, repoussée par des groupes de défense locaux. Cette opération visait à préempter toute tentative de sécurisation syrienne autonome des frontières, à mesure que se met en place la nouvelle doctrine militaire syrienne.
Le Hamas, dans un communiqué publié sur Al Jazeera le 2 avril, a salué la coordination implicite entre les fronts syrien et palestinien, appelant à une union stratégique des résistances contre « l’agression sioniste coordonnée ». Le mouvement a également rejeté les propositions israéliennes de cessez-le-feu, préférant se tenir à la médiation conjointe du Qatar et de l’Égypte.
Une bataille d’architecture régionale
Loin d’être une simple série d’opérations militaires, les frappes israéliennes en Syrie et les offensives à Gaza s’inscrivent dans une guerre de haute intensité pour définir l’architecture du Moyen-Orient post-américain.
Alors que les États-Unis se désengagent progressivement de la région, recentrant leur stratégie sur l’Indo-Pacifique, un vide géopolitique s’installe. Dans ce vide, plusieurs acteurs régionaux cherchent à s’affirmer. La Turquie, forte d’un appareil militaire structuré et d’une vision néo-ottomane modernisée, tente de jouer le rôle de stabilisateur. Le Qatar investit diplomatiquement dans les processus de réconciliation. La Syrie, affranchie de son ancien régime et libérée de la tutelle iranienne, tente de renaître sur des bases nouvelles.
Face à cela, Israël apparaît sur la défensive, usant de ses dernières marges d’intervention pour retarder une bascule stratégique régionale qui ne semble plus lui être favorable
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